Le langage gaumais

Le dialecte traditionnel des Gaumais, ce n'est pas du wallon, contrairement à ce qui se raconte parfois. C'est tout simplement du lorrain. Oui, le langage du pays de Virton ressemble considérablement à celui de la région de Nancy. D'ailleurs, le fameux Djean de Mâdy, le héros légendaire et burlesque des Gaumais, nous vient de Montmédy, aimable ville du département de la Meuse, située à quelques kilomètres de la frontière Franco-belge. Mâdy, dans le dialecte qui a cours des deux côtés de cette frontière, signifie en effet, Montmédy.

Mentionnons en passant que le gaumais n'est nullement le seul dialecte non wallon à être utilisé, dans ce qu'il est logique et conforme à l'évolution des choses, d'appeler la grande entité wallonne. Le picard se taille une place non négligeable du côté de Tournai et de Mons. Cette particularité linguistique, qui est peu connue, met en évidence l'un des aspects de la richesse culturelle de la Wallonie.

De cette identité collective, liée à l'utilisation d'un langage et à la fidélité à un mode de vie, à quelle époque et en quelles circonstances les gens de Gaume en prirent- ils conscience ?

Révélatrice à ce sujet, l'apparition dans dans le patrimoine culturel des Lorrains de Belgique de la fameuse Chanson des Gaumais.

La Tchansan des Gaumais

Traduction

I.


Peusqu les aut's tchantant dès leu langatche,
Pourquoi, Gaumais, nu farintch-mi coume zous ?
Digez coum'mi, ça s'rout vraiment doumatche
Du voir not' vié patois pas d'zous ?
Tchantans, tchantans eune tchansan pou nous autes,
Tchantans bin fôrt, i faut nous fâre oï;
Not'vié patois, quand i gnarou co des fautes,
Tchantans toudjous, i n'faume lu ravoï !

I.


Puisque les autres chantent dans leur langage
Pourquoi, Gaumais, ne feroins nous pas comme eux ?
Dites comme moi, ce serait vraiment dommage
De voir un jour notre vieux patois abaissé
Chantons, Chantons une chanson pour nous autres,
Chantons bien fort, il faut nous faire entendre
Notre vieux patois, encore y aurait-il des fautes,
Chantons toujours, il ne faut pas le renvoyer.

II.

Les viès, les d'jaunes, à tout' réjouissance,
les fies, les feumes, les houmes èt les gamins,
Tchantans tourtous, à taule èt à la danse,
Quat' cinq' couplets, èl preumi d'nôs casmins,
Tchantans, tchantans, etc...

II.

Les vieux, les jeunes, en toutes les réjouissances,
Les filles, les femmes, les hommes et les gamins,
Chantons tous, à table et à la danse,
Quatre, cinq couplets, en commençant la pâte.
Chantons, chantons...

III.

L'casmin bin fâ, c'est l'coummencement d'eune coueute,
Quat' cinq' chix pais, à vlà bin pou huit djous;
Si not'tchansan nu nous ruvînme à veute,
Les gais Gaumais tchantrant sûr tous les djous;
Tchantans, tchantans, etc...

III.

La pâte bien faite, c'est le commencement d'une fournée,
Quatre, cinq, six pains, en voilà pour huit jours,
Si notre chanson ne nous revient pas à vide,
Les gais Gaumais chanteront à coup sûr tous les jours;
Chantons, chantons...

IV.

A bichant s'goss, à pélant la potaïe,
S'elle cousse ou bin s'elle ruflä ses tchaussans,
La ménagère paurrait rire eune gavaïe,
T'a répétant lu refrain d' not' tchanson:
Tchantans, tchantans, etc...

IV.

En berçant son gosse, en épluchant les légumes,
Quand elle coud ou ravaude les bas,
La ménagère pourrait rire une goulée
En répétant le refrain de notre chanson:
Chantons, chantons...

 

V.

Ceux qui sant voués pou mieux gagni leur vie,
Soit à Paris, aux fôrtches ou au Congo,
Soit aux soldats pou servi la Patrie,
Tchantrant souvet, pesan leu pt'it mago;
Tchantans, tchantans, etc...

V.

Ceux qui sont partis pour mieux gagner leur vie
Soit à Paris, aux forges ou au Congo,
Soit comme soldats pour servir la Patrie,
Chanterons souvent en pesant leur petit magot,
Chantons, chantons...

VI.

Et quand d' j' mourrans, èl pu tard qu possipe,
Quand d' jarans fâ tout lu bin qu'jarans pu,
Au dèret d'nous: Il ant cassé leur pipe,
Il ant tchantèie, mon Dieu ! I n'tchantrant pu;
Il ant tchantèie des tchansans pou nous autes,
Tchantant bin fôrt, il ant seu s'fâre oï,
Not' viè patois, quand i gnarou co des fautes,
Tchantans coume zous, i ,'faume lu ravoî.

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VI.

Et quand nous mourons, le plus tard possible,
Quand nous aurons fait tout le bien que nous aurons pu,
On dira de nous: ils ont cassé leur pipe,
Ils ont chanté, mon Dieu! Ils ne chanterons plus!
Ils ont chanté des chansons pour nous autres;
Chantant bien fort, ils ont su se faire entendre.
Notre vieux patois, encore y aurait-il des fautes,
Chantons comme eux, il ne faut pas le renvoyer.

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