Quelques légendes du Pays Gaumais

Les Bohémiens de Lamorteau

Il y a bien longtemps, dans tout le pays gaumais, les habitants de Lamorteau avaient la réputation d'être particulièrement joyeux et fêtards. Chaque année, leur fête au village était un rendez-vous des plus attendus. On venait parfois de loin pour participer à la fête à Lamorteau, de Florenville, de Bellefontaine, de Saint Léger et même de Montmédy en France.
Un jour, une bande de Bohémiens débarqua dans le village au milieu de la fête. Deux chiens aboyants précédaient des roulottes aux couleurs multicolores. Les Bohémiens jouèrent de la trompette, du tambour, et bien vite, tout le village se rassembla devant les roulottes.

Venez tous! Vous allez assister à un évènement exceptionnel! cria un des Bohémiens à la cantonnade. dans quelques minutes, nous allons pêcher pour vous le plus grand nombre de poissons que l'on n'ait jamais pêchés. mais attention, il n'est pas question de puiser dans votre rivière, le Ton. Nous allons nous poster avec nos cannes et nos filets devant les mares, les eaux mortes.

Les habitants de Lamorteau écoutaient sans sourciller le boniment de ces Bohémiens qui leur paraissaient plus filous et charlatans que véritablement pêcheurs professionnels...

Ah! ah! ah! riait même Djean de Mâdy, le violoneux qui animait le bal de la fête. Moi je vais rester là, car je voudrais bien voir combien de truites et de brochets ils vont nous sortir de la mare...

Curieux et avides de se moquer des apprentis pêcheurs, quasi tous les gens du village assistèrent à la fameuse partie de pêche. comme on s'y attendait, au lieu de poissons prêts à frire ou à cuire au bon beurre, les bohémiens ne retirèrent de leurs filets que de vieilles chaussures, des boîtes de conserve ou des chambres à air.

Une fois, deux fois encore, les Bohémiens lancèrent leurs filets dans les mares. Aucun poissons ne s'y trouvait. Les villageois riaient de plus en plus fort. D'autres, moins polis, se mirent à siffler et huer les bohémiens.

Mais ce que les habitants de Lamorteau ne savaient pas, c'est que pendant la prétendue partie de pêche, d'autres Bohémiens étaient occupés à fouiller les maisons désertées de leurs occupants. Ils en ressortaient avec des ballots remplis de jambons, de saucisses et même d'argent. La pêche se terminait. On venait de retirer de la mare encore un vieux pot de chambre! Les habitants du village avaient bien ri, s'étaient bien moqués et dirent au revoir à leurs visiteurs bohémiens qui n'avaient plus de raison de s'attarder à Lamorteau...

Soudain, quelqu'un sortit d'une amison, tout excité:

Aux voleurs! Aux voleurs! Nous sommes stupides. Pendant que nous perdions notre temps à regarder ces vieux pneus ressortis de l'eau, les Bohémiens se sont introduits dans nos maisons. Ce sont eux, les plus malins. Nous n'avons qu'à nous en prendre à nous-mêmes pour notre bêtise.

En réalité, les Bohémiens s'étaient à peine éloignés du village. Ils voulaient simplement donner une bonne leçon aux villageois et leur apprendre à se monter plus sages désormais.

Les chevaux tractant les roulottes firent demi-tour et rentrèrent à nouveau dans Lamorteau. Les Bohémiens remirent aux habitants ce qu'ils venaient de leur dérober. Tous s'assirent autour d'un grand banquet et rirent de bon coeur de la farce qu'ils s'étaient jouée, les uns les autres.

Ce soir là à Lamorteau, à défaut de poissons, on mangea beaucoup de pigeons!

 

Croix Rouge
La légende du trou des fées.

Il y a bien longtemps, un berger était chargé de surveiller le troupeau appartenant aux fées de Croix Rouge. tous les soirs, il ramenait les vaches et les chèvres au fond des bois dans la grotte où vivaient les fées et leurs animaux. Personne n'avait jamais vu les fées hors de leur trou, personne n'avait le droit de les approcher, sauf le berger.

Au service des fées depuis de nombreuses années, celles-ci ne lui avaient jamais accordé le moindre franc pour sa peine et un jour sombre, le berger, de fort mauvaise humeur, soucieux de l'avenir de sa famille, se confia à sa femme devant l'âtre.
" Tout travail mérite salaire, méfie toi, si les fées venaient à disparaître un jour sans nous prévenir" dit Nanette, sa compagne. tu as raison. Dès demain, de grand matin, j'irai les trouver dans leur grotte et je réclamerai mon argent, enchaîna le mari.

Le lendemain, les fées l'écoutèrent attentivement et, généreuses pour une fois, lui donnèrent un sac fermé par des ficelles. Avant qu'il ne prenne le chemin du retour, la plus vieille des fées lui fit cette recommandation

- Ce sac, tu ne pourras l'ouvrir avant d'entrer dans ta maison, sinon tu seras puni -

Merci, merci. Vous êtes si bonnes avec moi, je vous assure que je respecterai votre demande. je n'ouvrirai pas le sac en chemin, dit le berger.
mais le chemin était long avant de regagner sa maison et le sac semblait si léger...à Orvillers, à l'entrée de Virton, n'y tenant plus, à l'abri des regards indiscrets, le berger ouvrit le sac
, il regarda et ne trouva que des paillettes d'avoine que l'on donne à manger aux chevaux, Il dispersa le tout et rentra désabusé chez lui. maudites fées, vous m'avez bien eu!

Regarde, dit il à Nanette, sa femme. Ces fées sont des voleuses. Nanette était terriblement déçue, elle prit le sac, le secoua et fut fort surprise de voir quelques écus d'or au fond de son sac. Tu n'es qu'un sot, lui dit Nanette, tu devais obéir aux fées et suivre exactement ce qu'elles t'avaient demandé. Nou serions riche à présenr. Va retrouver les fées demain. Tu t'excusera auprès d'elles. Le lendemain, il retourna au trou des fées redemander son du. Celles-ci se montrèrent compréhensives. Elles savaient que tout homme avait ses défauts et que la curiosité était l'une de ses faiblesses. Elles offrirent au berger un nouveau sac, plein comme le premier. comme la veille, la plus agée des fées s'avança vers le berger et lui fit les mêmes recommandations, " tu ne pourra ouvrir ce sac avant d'arriver à ta maison, insista t'elle. Cette fois le berger su tenir sa promesse. Son impatience était vive, au début, il avait pressé le pas, maintenant il courait pour rentre le plus vite possible chez lui.

- Riche! Enfin, je vais être riche! -

Près de chez lui, il se prit le pied dans une racine affleurant le sol. Le berger tomba, le sac s'ouvrit et à la place des pièces d'argent, des petites souris se dispersèrent entre les herbes! Il raconta encore une fois sa mésaventure à Nanette qui n'était point sotte, elle avait tout compris.

- La première fois, tu étais trop curieux. Cette fois, tu t'es montré trop empressé, voilà la leçon que les fées t'ont donnée!

Le berger jura, mais un peu tard, que l'on ne l'y reprendrait plus...

Djean de Mâdy et le loup

A sa naissance, Djean de Mâdy avait reçu de son oncle un joli violon, enduit de vernis rouge. djean n'était pas un virtuose, mais chaque samedi soir, il n'avait pas son pareil pour animer les bals et les fêtes de la région. C' était un joyeux luron, le Djean! Cette nuit là, djean de Mâdy revenait du bal de Musson. Comme c'était la tradition, on lui avait offert le gâteau de la fête, pour le remercier. Djean rentrait fièrement chez lui, à Virton, le violon en bandoulière et le gâteau en forme de couronne sous le bras. Soudain, en traversant le bois de Bicaumont, Djean entendit un bruit derrière lui. C'était un loup, aux grands yeux brillants, qui marchait sur ses pas. Aussi souple qu'un singe, Djean de Mâdy grimpa au sommet d'un chêne.

Tu peux toujours y venir, tu ne m'attraperas pas! lança Djean, se croyant tiré d'affaire au haut de son arbre. Mais l'animal ne voulait pas partir, immobile au pied de l'arbre, dans l'attente de sa proie. J' ai une idée! se dit Djean. Je vais lui envoyer un morceau de gâteau. Le loup avala en une bouchée ce cadeau tombé du ciel. Mais le loup ne se décidait pas à partir, Djean lui lança d'autres morceaux. A la fin, l'animal avait mangé tout le gâteau! Que vais je devenir? se demandait Djean. je ne vais quand même pas mourir de faim. Ce serait trop bête! Et si je lui jouais un air de violon ? Dans le silence glacé de la nuit, le violon de Djean de Mâdy joua des airs de plus en plus entraînants. Au pied de l'arbre, le loup semblait apprécier. Il se mit à tourner en rond et à danser la polka! Puis, comme le violoniste accélérait de plus belle, le loup poussa un hurlement et disparut, fatigué par ces sons qui commençaient à lui casser les oreilles. Djean de Mâdy put enfin descendre de son perchoir. Soulagé, il pestait cependant contre lui-même. Ah! si seulement je lui avais joué du violon tout de suite, j'aurais encore mon gâteau...

Ces deux contes pour enfants de Gaume et d'autres collines sont extraits de l'ouvrage de Dominique Zachary et Valérie Dion, ce recueil de contes pour enfants a obtenu, en novembre 1997, le prix Jean Lebon accordé par la commune d'Aubange.

 

La Légende d'
Cette légende a commencé au XII' siècle, lorsque des moines toscans vinrent s'installer dans la forêt de France. A leur émerveillement, ils baptisèrent le site "Val d'Or'.C'est à ce moment que le maître des lieux, le duc de Lorraine (neveu de Godefroid de Bouillon) décide de rendre visite à ces sympathiques moines italiens (excusez l'anachronisme). Mais, nous sommes au temps des croisades, et la guerre appelle ses hommes; c'est ainsi que le duc au lieu de se rendre lui-même à l'abbaye, délègue son épouse, Mathilde.

Mathilde tomba de suite amoureuse de l'endroit et jura au Père Abbé de revenir fréquemment..., ce qu'elle fit, lorsqu'elle fut assaillie par une dépression. Elle décida donc de se rendre à l'abbaye pour se reposer, quand, lors d'une de ses promenades, elle arriva au chevet de la source de l'abbaye.Là, elle pouvait admirer toute à son aise le calme enchanteur de l'onde. Le soleil brûlait, et Mathilde avait chaud : aussi, décida-t-elle de tremper sa main dans l'eau.Et ce qui devait arriver, arriva: son alliance tomba dans la source. Mathilde pleura sans cesse, lorsque, soudain, une splendide truite émergea et lui rapporta la bague.C'est ce fait qui symbolise aujourd'hui les bouteilles de l'abbaye d'Orval.

A Meix-devant-Virton...

Là se trouve une rue portant le nom de "ruelle perdue". Une légende s'y rattache.

Cette ruelle était jadis un sentier envahi d'eau boueuse. Tous les jours vers 23h00, ces lieux étaient visités par le cheval Triquet, cheval sans tête monté par une géant au regard perçant. Ce soir là, le grand Lepage, brave paysan de Meix, le rencontra et le salua malgré sa peur. Pour toute réponse, notre homme entendit ces cris rauques et sinistres: "les jours pour toi, les nuits pour moi". Horrifié, Lepage regagna son logis. On raconte encore qu'à Saint-Mard, à la lisière du bois, passait la chasse, une meute infernale accompagnait le cheval Triquet.

La légende de Montauban.

Dans les bois de Croix-Rouge se trouve un lieu dit "o pas d't chevo". Il s'agit d'un affleurement de grès virtonnais. Cette pierre porte une excavation naturelle qui évoque quelque peu l'empreinte d'un grand fer à cheval.

La légende dit que le seigneur de Montauban qui désirait rejoindre sa bien-aimée au château de Pigneumont parvenait à ses fins en utilisant les services de son cheval, descendant direct du Bayard des quatre fils Aymon. Chaque soir, à l'heure fixée par la belle, le cavalier enfourchait son coursier qui, prenant appui sur la pierre, sautait d'un bon dans la cour du château.

Ethe - La légende de la chapelle de Bonlieu

Selon la tradition populaire, un des comtes de Chiny, Louis II, victime d'un accident de chasse ou d'une maladie soudaine fut soigné et guéri au presbytère de Rouvroy. Emu de la gène du curé et reconnaissant de ses bons offices, il fonda la chapelle et l'Hermitage du Bonlieu. Le Bonlieu devint un endroit de pèlerinage célèbre en Gaume. Louis II et la comtesse Sophie, sa femme, reposent dans la chapelle depuis neuf siècle.

Le Bonlieu n'a qu'une seule légende, commune à beaucoup de madones et de sanctuaires. "C'était pendant une de ces guerres incessantes du sixième siècle qui répandait terreur dans toutes les chaumières de Gaume..

Les églises et leur chapelles flambaient comme des torches de paille.

Craignant pour leur madone vénérée, les habitants d'Ethe se rendirent au Bonlieu par des sentiers perdus et cachèrent la statue de la vierge. Mais le lendemain, ils constatèrent avec surprise que la madone n'était plus là. Perplexes, ils se rendirent en hâte au Bonlieu. La vierge avait repris sa place dans la chapelle humide et le bas était encore humide de la rosée de la nuit.


 


 

 

Quelques légendes d'Ardenne.

La légende du Tombeau du Géant.

L'homme marchait depuis des jours à travers la forêt de chênes. Il marchait depuis des jours, venant de la Sambre où les soldats Nevers avaient été taillés en pièces.

C'était un Trévire, au service de Boduognat. Un rescapé parmi les cinq cents dont la mort n'avait pas voulu.

Il marchait depuis des jours, s'irritant dans les villages morts à la recherche d'un peu d'hydromel, fouillant de son épée les restes calcinés des bourgs jadis plantés dans la clairière. Parfois, d'une hutte restée debout, sortait un vieillard. Les mains tremblantes levées vers le ciel.


Et le vieillard demandait: "D'où viens-tu l'homme?" Le géant baissait la voix et la tête surmontée d'un mufle de taureau sauvage. Le géant baissait la tête pour dire: "De là.

"Là", c'était la Sambre, la fille de la Meuse qui avait vu tomber les plus forts guerriers des Gaules.

Et l'homme racontait: "Ils sont agiles et adroits les soldats bruns du consul de Rome. Agiles et cruels. Ils ont tué, pilé, brûlé; ils ont violé des filles aux yeux bleus et aux cheveux de lins, les filles dont le corps est blanc comme le lait caillé."

Et l'homme racontait "J'ai vu des guerriers nerves s'arracher à leur poitrine les flèches qu'ils retournaient vers les Romains au torse étincelant de cuivre. J'en ai vu d'autres s'empaler sur leurs lames pour échapper aux cortèges de morts qui blanchissaient d'ossements les routes de la déportation. J'ai vu…"

Et les yeux du géant se voilaient. "J'ai vu des enfants accrochés par le cou aux chênes des forets et les corbeaux becqueter leur cervelle qui coulait sur les yeux blonds; des filles de joies liées aux chars, des filles de joie aux seins nus marbrés de sang. J'ai vu…"

Et l'homme n'achevait pas. Il s'en allait, les épaules lasses sous la peau de biches qu'une courroie serrait les reins. Le vieillard rentrait alors pour attendre la mort et les larmes roulaient dans sa moustache rousse.

Parfois le géant traversait un village que la fureur des méridionaux avait épargné. Alors, il s'arrêtait pour boire un bol de lait et manger une galette d'avoine cuite sur la cendre.

Il s'arrêtait aussi pour dormir. Alors l'entouraient des adolescents aux yeux bleus. Des adolescents et des estropiés que l'invasion avait meurtris.

"D'où viens-tu?". "De là…"

Et Il racontait encore. Il racontait toujours et son corps en dormant tremblait comme la feuille sous ton vent d'orage.

L'air était chaud et le soleil fondait; le soleil, gros disque rouge vacillant, prêt à basculer de l'autre coté de l'horizon.

Adossé à un arbre, le Trévire regardait… Sans doute, se souvenait-il des hardes qui allaient chantant les beautés de leur pays et les misères du peuple. Sans doute aussi ne pouvait-il quitter des yeux ce rouge ensanglanté des souvenirs.

L'homme regardait. Quand un bruit de galop se fit entendre et le fit tressaillir. Une femme, cheveux au vent, éperonnait les flancs d'un coursier ardennais qui semblait courir après le soleil. Le géant avait mis deux doigts en bouche, un sifflement jaillit de ses lèvres et fit tourner la tête de la jolie amazone.

Arrêté dans sa course, le cheval se dressa soudain, puis virevolta pour s'arrêter à trois pas du Trévire. "Dis-moi l'homme, que me veux-tu?"

" Peu de chose. Que tu me dises seulement s'il me faudra marcher encore avant la nuit pour échapper aux cavaliers de Labienus?"

Les yeux bleus de la femme se changèrent en acier, cependant qu'ils fixaient le géant du visage raviné de sueur et marque par la souffrance et les efforts sans nom.

Puis, après un silence…

"Ecoute bien l'homme! Je te crois sincère. Ecoute ! Tu dois fuir, s'il en est encore temps. Les cavaliers de Labienus occupent les profondeurs du Han et les archers, les hauteurs de Montogrut et de Lyresse. Tu dois fuir, car il ne reste pas un homme valide du nord de la forêt des Trévires. Il n'en reste plus, ils sont morts en combattant et d'autresse sont fait mourir pour ne pas servir de proieaux fauves de César, pour ne pas connaître les arènes et la vie de galériens. Et Labienus, qui a laissé croire qu'il se retirerait vers l'Aquitaine, prépare un dernier coup de filet…

Crois-moi! Fuis pour ne pas voir cela! Et pour ne pas voir les Gaulois tomber dans les bras maigres et petits des archers bruns.

L'hommeeu un geste las, montra ses sandales fatiguées et dit: "Fuir!… jusqu'où le pourrais-je? Je marche depuis vingt jours… Je connais la faim, la soif, les nuits au bord de l'eau. Je connais l'inquiétude dans les forets peuplés de bêtes, d'ennuis et de traîtres. Fuir!… Jusqu'ou le pourrais-je?"

Le visage de la femme se détendit, puis elle se baissa un peu pour dire à l'oreille du géant: "Ecoute l'homme!… Je rejoins Indutiomar pour lui remettre un message. Monte sur mon cheval et je te conduirais à lui. On dit qu'Ambiorix, chef des Eburons est en fuite lui aussi. Alors qui sait!… Peut-être pourriez-vous songer à rallier les Ménarpiers dans les marais du Nord."

Les yeux du Trévire s'éclairèrent comme une source accueillant le soleil. Rassemblant tout ce qui lui restait d'énergie, il se hissa sur la cavale noire qui partit comme l'éclair vers la vallée qui tendait les bras.
A présent ils longeaient la Semois dans un galop effréné, sans regarder le paysage de rive défilant à leurs côtés.
Soudain, descendant de Baimont, un autre galop se fit entendre... Vingt, trente, cinquante cavaliers se lançaient à corps perdu à la poursuite des Gaulois.

"Labienus" rugit le Trévire..."

Les fuyards arrivaient au pied d'un haut rocher. Jamais le cheval ardennais, doublement chargé, ne parviendrait à semer ses poursuivants. C'est alors que le géant dans un sursaut d'héroïsme lanca à la femme qui serrait les dents, ces trois mots que la bise emporta:

"Sauve Indutiomar…Adieu…"

Au même instant, il se laissa glisser de la cavale qui, libérée, bondit aussitôt à l'assaut des rochers. Une seconde, il vit la fille blonde toute droite sur sa monture, les cheveux déliés et qui flottaient dans le soir naissant. Il la vit et il vit le geste qu'elle faisait de son bras blanc pour le saluer, lui qui allait mourir. Il la vit et, se retournant, il vit aussi la meute qui approchait, folle de rage Impuissante.
Les mâchoires serrées, il escaladait le roc; se servant de son épée qui faisait voler des éclats de schiste. Arrivé au sommet, épuisé, mais le regard brillant, il enleva la courroie lui, serrant la taille où collait la sueur et en fit un lacet. Un bouleau frissonna. Alors il passa la tête dans le cercle de mort...
A présent il riait d'un rire qui secouait la vallée, la vallée et le bouleau qui tremblait très fort. Puis, comme les romains n'étaient plus qu'à cinquante pas, le géant sauta...
On entendit crier le bouleau qui ploya dans un frisson terrible et le bruit de quelques pierres cascadant jusque dans l'eau noire. Déjà le centurion était sur lui. D'un coup d'épée, il trancha le cuir et, du rocher et dans la nuit, descendit le géant. On retrouva le lendemain son corps accroche à un buisson qui bordait la rivière. Son grand corps sanglant, meurtri, disloqué, mais qui ne servirait pas de pâtures aux lions, ni de chair à fouet dans les blancs palais de Roux.
Un vieillard borgne le découvrit. Un vieillard borgne qui appela des adolescents mutilés et qui creusèrent sa tombe dans une boucle de la Semois.

Personne ne savait son nom. Personne... même la blonde amazone qui ne revint jamais...
Dans la terre en le mit. Dans la terre avec son épée et la peau de biche en guise de linceul.
C'est là qu'il repose toujours! Qu'il repose sous les chines, dans la boucle merveilleuse de la Semois, appelée depuis "Le Tombeau du Géant".


La légende des Quatre fils AYMON

Renaud, Roland, Arnaud, Richard : ses quatre prénoms sont la fierté de l'Ardenne. Symboles de ténacité et de bravoure, voici leur histoire.

Nous sommes tout début du IXème siècle, Charlemagne vient de se faire couronner empereur. Les oppositions commencent : il faut se battre pour défendre l'empire. Nous sommes à l'époque où tous les seigneurs ont juré fidélité et aide à leur souverain, tous sauf un: le comte d'Aymon, oncle des 4 précités. Son refus d'aider l'empereur (pour cause pacifique) entraîne sa convocation expresse auprès de celui-ci. Ses quatre neveux l'accompagnent. Son procès commence: Charlemagne le menace de représailles, le Comte répond qu'il défendra chèrement sa peau pour ne pas... se battre. Charlemagne se mit alors dans une colère folle et frappa le Comte, ce que n'accepta pas Roland, l'aîné, qui fit jaillir son épée de son fourreau. Malheur lui prit : la garde personnelle de l'empereur, commandée par son fils, l'attaqua. Et, dans cette bataille, Roland trancha la tête du fils. Le Comte prit panique et comprit que, s'il ne se mettait pas aux côtés de l'empereur, il pouvait craindre pour sa tète également. C'est ainsi que les Quatre se retrouvèrent seuls face Charlemagne, son Empire, ... et leur oncle. Il ne restait plus qu'à fuir, mais Charlemagne ne laisse jamais un crime impuni, surtout quand la victime est son fils. C'est ainsi qu'il envoya toutes ses troupes à l'assaut des Quatre.Et, c'est lors d'une chevauchée, alors que tout espoir semblait perdu, que le long d'une falaise, le miracle s'accomplit : leur unique cheval qui avait subsisté, Bayard, prit son élan et traversa la Meuse, laissant cois les hommes de l'empereur.

P. S.: d'où le fait que le cheval Bayard se trouve près du pont des Ardennes


La légende de Saint-Hubert

L'abbaye de Saint-Hubert (alors appelé Andage) lut fondé au Vil,, siècle. La légende raconte que Hubert, gendre du comte de Louvain, chassait dans les forêts d'Andage le Vendredi saint de l'an 683. Les chiens levèrent un splendide cerf, un grand dix cors. Au moment où il s'apprêtait à abattre la bête forcée, celle-ci se retourna et laissa apparaître une croix lumineuse dans sa ramure. En ,même temps, une voix du ciel se fit entendre: "Hubert, cesse de chasser et apprends à connaître ton Créateur, sinon tu iras en enfer!" Hubert abandonna sa passion pour la chasse et partit chez son .ami Lambert, évêque de Tongres-Maastricht, où il apprit la prière et le sacerdoce. Saint Hubert devint évêque de Maastricht et transféra à Liège le siège épiscopal. A partir du Xe siècle, saint Hubert ne fut pas seulement vénéré en Ardenne, mais aussi dans le reste de la Belgique, aux Pays-Bas, en Rhénanie et en France septentrionale.
Quelques coutumes intéressantes sont en relation avec Saint Hubert. Ainsi, un fil en provenance de l'étole d'évêque de saint Hubert serait un bon moyen de lutter contre la rage. Le fil devait être posé sur une entaille pratiquée dans le front. Outre la rage, le saint était également invoqué contre la peste et le délire

En 825, le corps de saint Hubert fut exhumé, pour être transféré à Saint-Hubert. Il était encore absolument intact. On le mit à l'abri dans l'église de l'abbaye, l'actuelle basilique. Chaque année, durant le premier week-end de septembre, se tiennent à Saint-Hubert les journées internationales de la Chasse. Le dimanche, à 11 heures, a lieu la grand-messe solennelle sonnée par des sonneurs belges et étrangers. A 14h3O, un défilé historique, comprenant plus de 300 figurants, parcourt la ville. Le 3 novembre, la grande fête de saint Hubert se déroule dans la basilique. Après un pèlerinage, la grand-messe chantée est célébrée et rehaussée des sonneries retentissantes des sonneurs de trompe du "Royal Forêt de Saint-Hubert". Au cours de cette messe, on bénit des petits pains destinés à préserver de la rage.

Légende de Sainte Ode ou "La Bonne Dame"

Voici, transmise de bouche à oreille, depuis des générations, la légende dans sa simplicité paysanne.

Il était une fois, à l'orée de la farouche forêt de Freyr, un humble moutier où s'étaient groupées quelques vierges Consacrées au service de Dieu, vivant une vie de prières et de mortifications pour le salut de leurs frères en Jésus-Christ. Rien ne troublait leur solitude, personne ne faisait résonner le heurtoir de la porte bien close. Parfois, pourtant, quelque voyageur égaré dans les profondeurs de la sylve entendait la cloche grêle qui, de nuit comme de jour, égrenait les heures; ce qui lui permettait d'atteindre la sainte demeure et d'y recevoir l'hospitalité prêchée dans le Sermon sur la montagne.

Un jour d'hiver, sous un ciel lourd de menaces, des bandits armés s'abattirent comme vautours sur la pieuse retraite, qu'ils mirent à feu et à sang. Une seule moniale échappa au carnage: c'était Ode.

Sans pain, sans huile, sans le moindre fagot, elle descendit la colline, les pieds en sang; car les soudards avaient même emporté ses sandales. Ce qu'elle quémandait ? Un peu de feu, quelques braises ardentes; et peut-être aussi un quignon de pain. Jamais âme qui vive ne l'avait, au village, rebutée, chacun s'efforçant d'ordinaire, si l'occasion s'en présentait, de la nourrir et de la conforter.

Cette fois, pourtant, elle se heurta à un refus brutal : un nouveau venu à Lavacherie l'éconduisit sans ménagements. Ode dut reprendre le sentier du monastère dévasté, plus épuisée encore...

Le lendemain, un mal mystérieux frappa le mauvais Samaritain, comme il ouvrait les yeux, il se réveilla dans le noir; il eut beau se frotter les paupières: il était aveugle.

C'est alors qu'il se souvint de son geste Inhospitalier de la veille. Saisi de remords, il parvint à agripper un bâton et, trébuchant à chaque pas, - mais guidé sans doute par son Ange gardien, - il parvint, au prix de chutes sans nombre ou il se déchirait les genoux, jusqu'à la sainte fille à la fois ébahie et heureuse d'un pareil et si prompt repentir.

- Va, dit-elle, va te laver les yeux à cette source Et elle guida l'aveugle par la main jusqu'à un filet d'eau qui venait de jaillir d'entre les phyllades de la montagne. La vue lui revint aussitôt que l'eau limpide eut touché ses paupières brûlées de larmes.

Depuis ce temps-là, braves gens de Lavacherie, la "Bonne Dame" continue de protéger les yeux des habitants de sa vallée et aussi de toutes celles et de tous ceux qui gardent son souvenir et font appel à son intercession le premier dimanche de mai.